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12 juillet 2010 1 12 /07 /juillet /2010 04:04


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Cette conscience bizarre qu'il faut faire quelque chose de ses vacances, que le déplacement dans un autre environnement implique que cette nouveauté soit explorée, même si elle n'est pas forcément cohérente avec l'ambition reposante d'un temps qui n'est pas travaillé au profit d'études ou d'un travail, d'un méchant autre, mais au profit de soi-même. Le temps mort nous pose la question de ce que nous voulons faire, de notre ambition pour nous-même lorsque nous n'avons pas d'autres obligations que celle de nous satisfaire, il se propose de nous permettre enfin de nous écouter. Il faut avoir des choses à se dire, que voulons-nous faire que nous ne fassions pas déjà ?

En Suisse les maisons ont un visage, un nez écrasé entre les deux plaques perpendiculaires du toit qui vient atténuer la laideur des constructions récentes, qui donne aux cubes de béton un aspect plus crédible, plus élaboré. Vevey compte sur le lac pour sauver sa beauté, elle s'encombre de manèges débiles et lumineux comme une jeune fille qui laisse ses cernes s'installer, beaucoup de ses places seraient simplement glauques ailleurs, il y a une esthétique banlieusarde persistante de la rue principale comme vitrine commerciale, on oublie de remarquer les immeubles, la vie de tous les jours de ses habitants. Godard disait qu'il restait en Suisse pour la beauté irremplaçable de ses paysages et il ne doit pas parler d'autre chose que de la majesté des montagnes posées sur l'eau d'un lac qui devrait être artificiel, montagnes que l'on oublie par nécessité, on aplatit le paysage parce que s'en émouvoir prendrait trop de place et parce que notre présence au milieu d'elles semble suffire, on ne croit pas devoir les louer autrement que par le regard et de froides photographies. Vevey a la modestie que lui impose ce voisinage, elle sera toujours plus petite que les sommets que la nuit elle-même ne masque jamais tout à fait, pourtant elle s'affole quand même dans ses étranges caprices urbains, les grands parkings, les hôtels fleuris dignes de la côté d'azur, les festivals attractifs.


A cause du bruit des sous-hommes aux manèges et de la chaleur je me réveille souvent tôt le matin, assez tôt pour être la première de nous quatre à entrer en activité, après une douche et un thé sur la terrasse je pars faire des courses, but qui sert de tuteur à mes pas, je regarde les boutiques en me demandant ce que je pourrais acheter qui ne soit pas trop superflu et qui puisse faire plaisir, un paquet de cigarettes à Murielle, des pommes et de la viande pour tout le monde, des journaux. En traversant la place de la gare vers dix heures j'essaie d'adopter le rythme local, je me berce bêtement dans l'idée que sans doute j'ai l'air d'une veveysanne qui travaille à dérouler son petit quotidien. Ce rythme sain m'anesthésie, je fais ce qu'il y a à faire sans d'autres questions, quand arrive le milieu de la journée je me retrouve atone, sans assez d'énergie pour lire sérieusement ou pour parler vigoureusement, malédiction persistante des vacances qui éteignent, même quand je pars loin je n'ai jamais autant l'impression de vivre aussi peu de choses qu'en vacances, la pause prend tout son sens négatif, elle m'éloigne de ce que je voudrais réellement faire et que je faisais avant elle. Avec Murielle cette malédiction devient un art, un fait digéré, nous faisons paisiblement de notre mieux, nous partons au bout de dix minutes de l'horrible ville de Montreux, nous pétillons pour Lausanne ou pour l'inactivité sur la terrasse, sorte de fatalisme malin qui embellit le temps subi qu'il faut faire passer.

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